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J233 /// Baba Yaga

C'était gore. Tellement que j'ose à peine en parler. Dans les bois. Quand je me suis perdu la dernière fois et que je suis rentré de nuit. Eh ben au milieu des arbres, autant dire de nulle part, sans trace de chemin, sans bruit de voiture ni aucun autre bruit pour m'indiquer la route à suivre, je me sentais vraiment dans la merde. Et pas la peine de compter sur les étoiles, vu qu'il faisait nuit noire et qu'en plus j'y connais rien. À un moment il m'a semblé entendre comme des gémissements, à peine perceptible. C'est là que j'aurais dû écouter la petite voix, celle de l'instinct reptilien, qui me disait: "putain, ça pue, dégage... vite fait". Mais non. D'un autre coté, j'étais étrangement attiré par ces gémissement. Alors j'ai avancé dans leur direction, tatonnant à moitié à travers les arbres, doucement, pour ne pas m'entraver dans les ronces ou les bois morts jonchant le sol. Puis à un moment, plus un bruit. Silence de mort. Enfin presque. Il y avait quand même une sorte de bruit de mâchonnement, un peu comme si quelqu'un mangeait... du sable. Il a fallu que je force un peu le regard pour la distinguer, cette vieille femme qui, quand elle a remarqué que je la regardais, a arrêté de mâchonner, et est restée un long moment bouche bée, un filet de bave coulant le long de son menton. Elle tenait dans une main une sorte de grosse batte de baseball, et était assise dans une espèce de mortier énorme en bois, qui semblait léviter au dessus des ronces. De ce funeste bout de bois sortait une de ses jambes, et le seul souvenir de son pied immonde me glace le sang. Mais ce fut bien pire quand je compris d'où venait le bruit de petits craquements: ça devait être les os entre ses dents, les os des orteils qu'elle venait sans doute à peine d'arracher du pied d'un enfant de quelques années qu'elle tenait d'une main, par la cheville. C'est là que j'ai dégueulé, à genou, dans les horties. Le temps de relever les yeux, il n'y avait plus personne, devant, derrière, nul part. Mais j'entendait encore ce petit bruit de craquements, qui ne m'a pas quitté jusqu'à ce que je sorte enfin de ces bois, à l'aube... En me renseignant au village, certains russes un peu plus téméraires m'ont fait comprendre que j'avais du croisé la Baba Yaga, sorcière mythique locale...

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