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La re-connexion nostalgique

[ transcription de quatre pages de mon carnet de note ] - 14H37 - Boulangerie au centre de Kyōto - Je mange sur place. Pas d'autre cahier que celui-ci. Pas de stylo autre que celui-ci, mis à disposition sur la table. Sur cette table, il y a aussi du thé, un croissant, un bagel mulberry, un truc avec du fromage et du bacon, un triangle green pea, un verre d'eau, un Leica et mon vieil i-phone 3G...
Yep. Le trip prend une autre forme. S'il y a un truc qui s'est débloqué ici -ou, disons, qui a changé- c'est que je me suis reconnecté avec mon passé. Je ne sais pas si c'est l'aube de mes 40 ans, le fait de voyager, ou bien le Japon, ou bien tout simplement le fait de voyager au Japon à l'aube de mes 40 ans, alors que j'ai "juste" vu un Leica au RDC dans le bookstore du théâtre de Kyōto. Qui venait du Leica store. Dans cette ruelle même où j'ai eu honte d'être blanc, quand j'ai vu des touristes -que dis-je, des putains de touristes- courir ou devancer une geisha pour la prendre en photo, parfois avec un iPad comme appareil photo. BREF.

Le Leica des années 30, peut-être un DII ou DIII [après vérification, un Leica II -ou Leica D-, sans doute post-1933, avec son objectif Summar 50/2], est bien éclaté quand même. Je me demande quel genre de propriétaire(s) il a bien pu avoir. Et combien de propriétaires. Et surtout s'il a déjà voyagé. Avec son 5cm 1:2 rentrant, ses vitesses 1/500 - 1/200 - 1/100 - 1/60 - 1/40 - 1/30, 1/20 à 1s (mais alors là je trouve pas le 1s... [normal, puisque c'est une homogénéisation pour la molette du Leica III sorti en 1933, qui avait une molette en plus pour choisir les vitesses lentes]) et le diaphragme de 2 à 12,5... Hu hu hu... pas de 1/1000 de sec., pas de f16 ou 22... Je me demande ce que va donner la tri-X et l'accros 100... BREF.

RECONNECTÉ. Avec mon passé. Avec tout. Véto. Photo, trip photo. Leica. Mais aussi joie de vivre. Squat. Et bientôt îles tropicales, la plongée, les essais de surf, et -qui sait- peut-être la zénitude de ma vie passée. AVANT. Toujours la même réponse: Avant. Toujours la même question = avant quoi ? Avant le suicide de ma mère, d'abord. Avant mon abandon du taf de véto. Avant d'arrêter le squat pour commencer à vivre comme tout le monde... Ou comme la majorité plutôt. À bientôt 40 piges, c'est vrai que j'ai un peu envie de retrouver un lieu de vie où "revenir". De temps à autre. Où poser mes valises, mes cartons, mon boulot. Mais pas tant. Comme d'habitude, j'oscille entre les deux extrêmes allant de l'achat immobilier à la vie en camion.La voie du milieu, je la connais et l'ai déjà pratiqué (une certaine voie du milieu disons): c'est le squat, chez les frangins, mon père, là où je bossais en véto, et là où je tripais. BREF.

Je ne sais toujours pas quoi faire concernant cette épineuse question de vivre quelque part. De se poser. Je me rends bien compte que c'est pratique, mais aussi que ce n'est pas vraiment moi. Le moi profond est nomade. Nomade de l'âme, du cœur et du corps. Le moi profond vit pied nu, et même à poil, dans une forêt équatoriale, ou au moins tropicale. Le moi profond ne se sépare pas vraiment de sa famille qu'il voit assez souvent finalement, entre deux trips humanistico-écologistes. Le moi profond n'est pas attaché. Ni à un lieu, ni à une personne. Le moi profond plane entre deux eaux, 3 dimensions et 32508 projets de création, et de sujets qui l'intéresse. Mon moi profond ne bois pas. Mange sainement. Soigne ses congénères Primates ou même Mammifères et autres, juste pour le bien-être et pas dans le but de les manger. Je suis végétarien. Depuis l'origine des temps. Je mange des pommes, ou les refile à mon Ève si je ne les sens pas. Mon moi profond ne stresse pas. Mais dans la superficialité de cette société aliénante, je stresse. Donc je suis... probablement.

J'ai souvent trouvé des réponses dans le bouddhisme, parfois dans le yoga, le voyage, la méditation. Mais l'impermanence du contexte, et de moi-même font de ces réponses des insectes éphémères, se brûlant les ailes au contact du feu constant des minutes et secondes qui défilent. Le temps est impermanent... Pourquoi serions-nous constants ? Dans nos envies. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Pas obligé cela dit de faire le yoyo dans nos humeurs et objectifs, de changer schizophrénétiquement de fleurs à la recherche de pollen plus jaune ailleurs. Pas la peine de s'éparpiller. Mais j'aime pourtant ça, toucher à tout. Revenir à la photo après quasiment 8 années d'arrêt, si ce n'est les épisodes pas si mauvais de Tchernobyl au Hasselblad. Mélanger peinture et sumi-e, en faire de l'ukiyo-e. Les insérer dans une BD dont certains décors seront des photos... au Leica ou Holga ou Hasselblad ou peu importe. Du moment qu'on accède une fraction de seconde à l'éternité du grand tout. Qu'on se connecte avec l'équation universelle. Que l'on accepte enfin en un éclair notre place dans l'univers, au milieu de nos congénères moins dégénérés, moins imbus d'eux-même, moins intolérants, moins...civilisés. Moins intelligents. Mais davantage connectés avec leur instant. Pas besoins de décrypter des panneaux ou d'écouter la musique ou obéir à la couleur pour savoir quand traverser... De route, il n'y a pas. Que des roots. Des racines du savoir, du sens éternel.

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